mercredi 25 septembre 2013

Pour des communes solidaires. Lettre ouverte adressée le 26 septembre 2013 aux 13 bourgmestres de la région du Centre

Mesdames et Messieurs les Bourgmestres,



Le 20 avril dernier, la plateforme associative et citoyenne de la Marche des migrants de la région du Centre organisait une journée de mobilisation à La Louvière. Avec plus de 300 personnes, nous voulions mettre en évidence la richesse multiculturelle de la région et pointer les progrès à accomplir pour une réelle égalité des droits entre Belges et Etrangers. A cette occasion, une partie des membres de la Marche des migrants vous a adressé un cahier de revendications, vous invitant à en discuter et à venir présenter publiquement votre point de vue le 20 avril en soirée. A notre grand regret, vous avez tous décliné l’invitation et aucun d’entre vous ne nous a fait part de son opinion à propos de notre cahier de revendications.

Aujourd’hui, nous revenons vers vous pour réitérer et préciser notre demande de rencontre, tout en rendant notre démarche publique à travers cette lettre ouverte. Nous souhaitons vous rencontrer, en compagnie des mandataires en charge du service des étrangers et des responsables des zones de police, pour discuter plus particulièrement de la participation des communes aux politiques répressives envers les migrants. En effet, depuis la constitution de la plateforme de la Marche des migrants, nous avons pu constater plusieurs agissements inquiétants de certaines administrations communales et zones de police envers des concitoyens étrangers. Nous citons ici deux exemples qui nous ont particulièrement choqués.

A Manage, en septembre 2012, Saïd, un jeune Marocain en séjour irrégulier a été arrêté alors qu’il se présentait spontanément et de bonne foi auprès de l’administration communale pour y demander des informations sur la façon de régulariser sa situation. Il n’a pas pu consulter d’avocat pour défendre ses droits, il ne lui a pas été proposé de retour volontaire comme le recommandent pourtant les instances fédérales, il n’a pas pu revoir ses proches ni rassembler ses effets personnels avant d’être embarqué au centre fermé de Bruges et expulsé quelques jours plus tard avec une interdiction de retour de 3 ans.

A Estinnes, en septembre 2013, Christian, un Mauricien particulièrement actif dans le folklore local et parfaitement intégré dans son village (Rouveroy) depuis 13 ans, a été emmené au commissariat sur ordre de l’Office des Etrangers par la police communale qui prétendait vouloir lui faire remplir des formulaires relatifs à sa demande de régularisation. Mais, quelques heures plus tard il était emmené, menotté, en fourgonnette avec sirène et gyrophare, vers le centre fermé de Vottem où il est enfermé en perspective d’une expulsion. A lui non plus, il ne lui a pas été permis de revoir ses proches, de rassembler ses effets personnels ou de consulter un avocat. 

La brutalité de ces méthodes nous choque profondément. Ces hommes ne sont pas des criminels mais sont pourtant traités comme tel. D’autres démarches pour faciliter leur établissement régulier dans nos communes auraient sans doute pû être tentées. Par égard et dignité envers ces personnes, il aurait pu leur être permis de revoir leurs proches ou de consulter un avocat. Nous sommes également inquiets de constater l’absence totale de contrôle politique et démocratique sur les arrestations ordonnées directement par de simples administrations (l’Office des Etrangers au niveau fédéral, parfois avec la collaboration des services des étrangers des communes), aux polices locales qui sont pourtant théoriquement sous l’autorité du bourgmestre. 

Certes, les politiques migratoires décidées au niveau fédéral se font de plus en plus dures et répressives et les administrations locales sont désormais davantage impliquées dans leur exécution et ne peuvent pas se défaire de leurs obligations d’un revers de la main. Mais nous estimons que les responsables politiques communaux ont aussi le devoir de protéger les droits fondamentaux de leurs concitoyens, au mieux en dénonçant les conséquences de ces politiques tragiquement visibles au niveau local et en faisant pression pour une réforme conséquente de l’orientation adoptée au niveau fédéral, au minimum en s’assurant que les administrations locales ne tombent pas dans un excès de zèle répressif mais mettent bien tout en œuvre pour favoriser au mieux les possibilités d’établissement durable des personnes en séjour précaire qui souhaitent rester parmi nous.

Nous tenons donc à discuter avec vous de la façon très concrète d’apporter un maximum de garanties au respect des droits fondamentaux des personnes étrangères en séjour précaire (consulter un avocat ou une personne de confiance, bénéficier d’une bonne traduction pour comprendre ce qui se passe, être traité de façon humaine, vérifier la possibilité d’introduire d’autres procédures ou recours avant d’être dirigé vers un centre fermé, …). Une piste parmi les autres que nous mettons sur la table est par exemple de faire en sorte que les mandataires politiques communaux compétents soient informés des arrestations menées par la police locale sur ordre de l’Office des Etrangers et veillent alors à garantir le respect des droits fondamentaux des étrangers, avec les moyens humains et matériels nécessaires.

Nous restons à votre disposition pour discuter des modalités de rencontre. Dans l’esprit de cette lettre ouverte, nous nous permettrons de faire part publiquement de votre réaction à notre demande de rendez-vous et aux propositions de notre cahier de revendications.

En espérant que vous répondrez favorablement à notre nouvelle démarche, nous vous adressons, Mesdames et Messieurs les Bourgmestres, nos cordiales salutations. 

Signataires : plusieurs habitants de la région du Centre, asbl CEPRé, Club Achille Chavée, Comité de solidarité avec le peuple chilien, FGTB Centre, Formation Léon Lesoil, La Braise-Culture, Ligue des droits de l’Homme de La Louvière, Solidarité femmes et refuge pour femmes battues, dans le cadre de la Marche des migrants de la région du Centre.

26 septembre 2013.

On en parle dans le journal de Vivacité du 27 septembre 2013 (à la 357e seconde) disponible en téléchargement en cliquant ici.

Contact : 064/23.72.90 ou asblcepre@gmail.com

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